Lutter contre la stigmatisation des personnes handicapées en Afrique subsaharienne
Les Jeux paralympiques ont représenté un puissant vecteur pour stimuler un changement social progressif vers une plus grande inclusion des personnes handicapées dans le sport et la vie culturelle en général. Le mouvement paralympique s’est imposé comme précurseur dans la quête d’un monde plus inclusif. Son impact a permis de sensibiliser aux droits des personnes handicapées, de défendre l’égalité des chances, de promouvoir l’utilisation de technologies d’assistance et de remettre en question les préjugés négatifs sur les personnes handicapées, préjugés ayant contribués à une stigmatisation culturelle autour du handicap.
Cependant, le sport paralympique n’a pas encore atteint de nombreux pays du Sud à revenu faible ou intermédiaire, où la stigmatisation associée au handicap continue de renforcer l’exclusion sociale, la marginalisation et le manque d’investissement dans les infrastructures pour le handisport et le sport adapté. En effet, il existe une sorte de fracture mondiale en ce qui concerne l’égalité d’accès au sport paralympique.
Malgré le fait que plus de 160 pays participent aux Jeux paralympiques, seuls 60 pays environ ont intégré le sport paralympique dans leur système sportif. Cette disparité mondiale en matière d’égalité et d’accès a été reconnue par les organisations intergouvernementales, les groupes de défense des droits des personnes handicapées, ainsi que par les universitaires et les praticiens travaillant dans ce domaine. Elle représente également le plus grand défi pour le CIP qui souhaite organiser les Jeux paralympiques (à partir de Tokyo 2020) en Afrique subsaharienne.
C’est ce défi qui a entrainé la formation d’un partenariat entre l’université de Loughborough (EN), le CIP (EN) et l’université du Malawi, Chancellor College, sur le projet intitulé Para Sport against Stigma (EN). Ce projet vise à développer la portée et l’impact du sport paralympique dans toute l’Afrique subsaharienne en exploitant le pouvoir de communication et de transformation sociale du sport paralympique comme moyen de lutter contre la stigmatisation des personnes handicapées.
Ce projet s’inscrit dans « AT2030 », un programme financé par UK Aid et dirigé par le Global Disability Innovation Hub (GDIH) qui vise à tester « ce qui fonctionne » afin d’améliorer l’accès aux technologies d’assistance. Au cours des quatre prochaines années (2020-2024), le projet coordonnera une recherche-action interdisciplinaire en Gambie, au Malawi et en Zambie, en étroite collaboration avec les groupes communautaires locaux, les parties prenantes, les universités, les médias et les comités paralympiques nationaux (CPN). Il s’agit d’une approche de recherche qui repose principalement sur la collaboration avec les communautés et les organisations locales, pour permettre une meilleure compréhension et une meilleure perspective sur la manière dont le sport paralympique peut être implanté et avoir un impact efficace, pertinent et durable.
La recherche s’appuie sur trois piliers d’activités reliant la diffusion et les médias paralympiques à l’engagement communautaire et au développement de parcours sportifs paralympiques. Certaines activités clés comprennent, par exemple, la collaboration avec les diffuseurs nationaux et le CIP pour localiser et adapter les moments forts des Jeux paralympiques de Tokyo à la radio communautaire (cette dernière représentant une source d’information importante, accessible et fiable qui transcende les classes sociales et les clivages urbains/ruraux) et inclure les récits paralympiques des athlètes nationaux. L’éducation et le théâtre communautaires, en tant que lieux importants de reproduction des connaissances, donneront vie à ces histoires et contribueront à remettre en question les récits dominants sur le handicap. En outre, le CIP s’efforcera de soutenir les Comités paralympiques nationaux en leur fournissant des boîtes à outils, conçues pour établir et maintenir des voies efficaces vers la compétition internationale pour les athlètes et les entraîneurs du sport paralympique amateur.
Ce projet est une plateforme importante pour la croissance du sport paralympique dans certaines régions des pays du Sud. Néanmoins, il comporte sa part de difficultés. Le handicap porte sur des différences en termes d’aptitudes, et nous devons reconnaître les diverses perspectives et réserves de ceux qui vivent avec ces différences alors que nous travaillons à combattre la stigmatisation qui a été identifiée.
L’offre et la qualité de l’assistance technologique varient à travers le paysage urbain et rural et il faut y remédier efficacement en adaptant le contenu des médias paralympiques. En particulier, la stigmatisation à l’intersection du genre et du handicap doit être prise en compte, et ce projet offre une occasion importante de mieux comprendre les inégalités et les relations socio-économiques complexes qui sous-tendent la vie de nombreuses femmes handicapées en Afrique subsaharienne. En utilisant le pouvoir du sport paralympique, ce projet souhaite établir encore plus de bases, sur lesquelles nous pouvons construire un monde plus juste et plus prospère pour les personnes en situation de handicap.
Le Dr. Emma Pullen est conférencière à l’école des sciences du sport, de l’exercice physique et de la santé de l’université de Loughborough. Ses recherches portent principalement sur le handicap, le genre, la culture et les médias.
Sam Ruddock est un double paralympien qui a fait ses débuts en athlétisme pour la Grande-Bretagne aux Jeux paralympiques de Londres 2012. Après Rio 2016, il se concentre maintenant sur le cyclisme sur piste pour Tokyo 2020. Parallèlement à sa préparation pour le Japon, il est coordinateur d’éducation physique et de sport scolaire dans l’enseignement primaire/élémentaire.
Jennie Wong est une praticienne du sport qui possède une expertise dans la conception et la gestion de programmes sportifs inclusifs à l’échelle mondiale. Elle est actuellement chef de projet pour « Para Sport Against Stigma » à l’Université Loughborough de Londres.