Si les grands événements sportifs connaissent une croissance exponentielle, les débats interrogeant leur impact social et sociétal vont de même. A l’ère du stade « méga-événementiel » et face à la recrudescence des « éléphants bancs », les infrastructures sportives sont les premières concernées par les questions de durabilité.

Le sport s’inscrivant désormais dans les stratégies de développement des pays africains, cela implique une révision des infrastructures sportives. Le principal enjeu, de taille pour ces économies émergentes, consiste à concilier développement des infrastructures, rentabilité des investissements, besoins des populations et durabilité.

 

Répondre aux besoins

Souvent construites lors des indépendances dans un objectif diplomatique, les installations sportives africaines prennent essentiellement la forme de stades dédiés à la compétition. La répartition selon les pays est inégale : les mieux dotés étant l’Afrique du Sud, l’Égypte et les pays maghrébins. La majorité des infrastructures sportives sont consacrées au sport d’élite et les disciplines nécessitant peu d’équipement comme le football ou l’athlétisme sont les plus populaires. Par ailleurs, rares sont les établissements d’enseignement qui possèdent des installations favorisant l’éducation physique et le sport scolaire.

Les grands événements sportifs comme la Coupe d’Afrique des Nations (CAN) permettent d’accélérer les aménagements et les infrastructures du pays d’accueil. Ainsi, le programme de grands travaux lié à l’organisation de la CAN 2002 au Mali a entraîné la modernisation de l’aéroport de Bamako, l’aménagement de routes, l’amélioration des réseaux téléphoniques, de télécommunications et de transports publics (Augustin, 2010). Les évaluations concernant l’impact des grandes compétitions sportives restent cependant mitigées. Certaines considèrent, par exemple, que la majorité des stades construits pour la Coupe du monde de football 2010 en Afrique du Sud sont « sous-utilisés et porteurs d’un legs socio-économique nuisible aux villes candidates » (Dalle-Vedove, 2015). Pour que le sport puisse jouer pleinement son rôle de catalyseur économique, social et urbain, il est donc primordial de penser la viabilité des installations sportives sur le long terme et d’en planifier l’usage post-événementiel.

 

Développer les activités génératrices de revenus

Les grands événements sportifs se profilant sur le sol africain comme les Jeux Africains 2023 au Ghana, les Championnats du monde de cyclisme sur route 2025 organisés pour la première fois sur le continent (Maroc ou Rwanda) et les Jeux Olympiques de la Jeunesse de Dakar 2026 sont autant d’opportunités pour aménager le territoire. Plusieurs initiatives semblent envisager ce potentiel de mutation sous le prisme de l’inclusivité et de la durabilité. Parmi ces projets novateurs, le complexe sportif Dakar Diamniadio Sports City (DDSC) souhaite répondre aux exigences du sport d’élite comme aux besoins des sportifs amateurs. A terme, DDSC comprendra un hôtel grand standing, des résidences sportives, des restaurants et devrait accroitre l’attractivité touristique de la ville. Inauguré en 2019, le Kigali Arena est désormais le plus grand site multisports d’Afrique de l’Est. Conçu pour contribuer au rayonnement économique et sportif du Rwanda, le complexe désire pérenniser ses installations pour les populations locales. Le stade, qui abritera la phase finale de la saison inaugurale de la Basketball Africa League et le tournoi Afrobasket 2021, héberge plusieurs restaurants, un centre de fitness et organisera des événements culturels.

En Côte d’Ivoire, l’Agora de Koumassi propose depuis 2019 une pratique sportive diversifiée. Ce complexe socio-sportif au service de la jeunesse ivoirienne accueille aussi des résidences d’artistes, des offres de formations et valorise l’entrepreneuriat solidaire et local. 90 agoras devraient être déployées prochainement dans tout le pays. Afin de démocratiser l’accès au sport, Sport for Social Change Network (SSCN) collabore depuis 2017 avec les services de la ville de Johannesburg pour organiser dans les parcs du centre-ville des activités sportives et récréatives.

Les pays africains semblent donc miser sur une nouvelle génération d’infrastructures sportives polyvalentes et viables au-delà des méga-événements sportifs. Un temps de recul sera nécessaire pour en évaluer les résultats. Néanmoins, ces projets innovants qui contribuent au développement de l’Afrique à travers le sport pourraient générer de nouveaux modèles d’inclusion territoriale, économique et sociale durables et adaptés aux défis du continent.

 

Crédit photo : Christian Rebero Twahirwa et Dakar Diamniadio Sports City