Entre objectifs socio-économiques et soft power, le Rwanda porte une vision ambitieuse et holistique du développement par le sport.

Le Rwanda est souvent cité comme étant un modèle de développement en Afrique. Face à l’héritage du génocide de 1994 et à l’impératif de réconciliation nationale, le développement socio-économique peut effectivement représenter un socle de cohésion. Conçue selon une approche holistique, la politique sportive rwandaise participe au développement du pays et contribue également à la création d’une culture de la gagne et d’une identité rwandaise unie.

Le sport au service de l’ambition rwandaise

La politique de développement du sport du Rwanda vise à établir un cadre favorisant le développement du sport professionnel, du secteur sportif et du sport pour tous (Sport Development Policy, 2021, p. 16). Elle est étroitement alignée avec les stratégies internationales (Agenda 2030 des Nations Unies, Charte olympique, Plan d’action de Kazan), avec la stratégie nationale de transformation 2017-2024, et présente des dispositions transversales avec plusieurs politiques sectorielles clés comme la politique nationale relative au genre, celle concernant le sport scolaire ou le plan stratégique pour l’éducation (Ibid., p. 10-11).

La politique sportive rwandaise souligne les bienfaits du sport, notamment en matière de santé, de fierté nationale, de rayonnement extérieur, ainsi que sa capacité à générer investissements et emplois (Ibid., p. 12). En effet, plusieurs objectifs spécifiques portent directement ou indirectement sur le potentiel économique du secteur sportif (accueil de grands événements sportifs, détection et exportation de talents…). Le développement du sport pourrait aussi permettre de renforcer les relations avec le secteur privé (Ibid., p. 16), point névralgique pour l’économie du pays.

De fait, si le Rwanda ambitionne de devenir un pays à revenu intermédiaire de la tranche supérieure en 2035 et à revenu élevé en 2050, sa croissance est principalement portée par l’interventionnisme étatique. Le secteur privé national peine à prendre le relais des fonds publics et de l’aide publique au développement (AFD, 2021). Or, il s’agit d’une condition essentielle pour que le pays atteigne ses objectifs de développement et le sport est ici envisagé comme un levier de mobilisation du secteur privé.

Des réussites et des défis

Kigali mise sur une visibilité mondiale à travers le sport et a signé plusieurs partenariats politico-sportifs dans cette optique. Depuis 2018, les Gunners d’Arsenal portent le slogan « Visit Rwanda » sur leurs maillots. Selon les autorités rwandaises, cette campagne aurait augmenté de 8 % le nombre de visiteurs. En 2019, le Rwanda a conclu un contrat similaire avec le Paris Saint-Germain

Le pays parie également sur l’accueil de grands événements sportifs. Il organisera ainsi les Championnats du monde de cyclisme sur route en 2025. A travers ce rendez-vous inédit en Afrique, le Rwanda compte promouvoir sa « vraie image », son potentiel et ses talents. Par ailleurs, le pays a déjà reçu plusieurs compétitions continentales, dont la saison inaugurale de la BasketBall Africa League (BAL) en 2021. Du fait de la pandémie de COVID-19, les 26 matchs se sont exclusivement déroulés au Rwanda qui présentait les conditions sportives et sanitaires recherchées (IRIS, 2021). En organisant un spectacle de haut niveau, y compris la phase finale au sein du Kigali Arena, désormais plus grand site multisports d’Afrique de l’Est, le Rwanda a soutenu avec succès un projet ambitieux de développement à travers le sport. Au-delà de la professionnalisation du basketball en Afrique, la BAL travaille en effet avec des partenaires comme l’Agence française de développement (AFD) pour favoriser, entre autres, l’accès à l’éducation, le bien-être et l’inclusion des filles et des femmes.

De même, le Rwanda doit encore relever certains défis pour être à la hauteur de ses ambitions, comme l’inadéquation des infrastructures, le manque de compétences administratives et managériales des structures sportives, l’inclusivité (genre, handicap), etc. (Sport Development Policy, 2021, p. 14). Par ailleurs, le ministère de la Santé a intégré le sport dans sa stratégie de prévention et de contrôle des maladies non transmissibles (Ibid., p. 7) mais la politique sportive rwandaise ne comporte toujours pas de cadre stratégique avec des objectifs spécifiques mettant l’accent sur la promotion de l’activité physique au profit de la santé (Mukaruzima & Frantz, 2019). Malgré tout, le Rwanda propose indubitablement une stratégie sportive à la fois ambitieuse, holistique et transversale. Le temps nous dira s’il s’agit bien d’un modèle gagnant.